Il y a trente ans, Radio Quinquin !
la CGT s'empare de la parole et défie le gouvernement
dimanche 08.11.2009, 05:03 - La Voix du Nord

Une époque - la fin des années 70 - que Daniel Pollet, alors un des deux secrétaires de l'union départementale CGT du Nord, décrit ainsi : « C'était le plan Davignon, la casse de la sidérurgie et du charbon. Usinor Denain fermait. Malgré les conférences de presse, personne, surtout la télé, n'en parlait. À la CGT, on s'est dit : "Ce n'est plus possible." » La solution émerge au fil des réflexions, tant pis si elle est illégale : il faut parler soi-même de ces problèmes et créer une radio à cette fin. Radio Quinquin est en gestation.
Le problème du local est difficilement résolu car les élus contactés sont prudents. Mais Aldebert Valette, maire communiste d'Auby, près de Douai, en prête un, à côté de la mairie. Radio Quinquin émet pour la première fois il y a trente ans, le 7 novembre 1979, à 5 h 45, de son local aubygeois, en FM.
Le local est facilement repérable grâce au mât de 54 m qui porte l'antenne.
Cette radio est l'affaire de bénévoles qui se piquent au jeu. Au point que Radio Quinquin émet assez rapidement tous les jours, de 6 heures à minuit, sur toute la région, malgré le brouillage des autorités. L'actualité sociale est bien sûr privilégiée. Mais les « journalistes » s'intéressent vite à la culture, dont la culture régionale, moins à l'honneur que maintenant, invitent des artistes et vont à la rencontre des gens, les font parler de leur quotidien, conformément au slogan qui a servi lors du lancement : « Radio Quinquin, c'est ta radio ! »
L'audience suit et atteint un niveau inespéré. « Un sondage nous donnait comme la 3e radio en nombre d'auditeurs de la région, malgré le brouillage », souligne M. Pollet. C'est l'aide financière de tous ces auditeurs qui permet à la radio de tenir.
Le gouvernement réagit. Le 4 juin 1980, le groupe d'intervention de la police nationale investit les locaux. « Ils ont cassé les meubles, embarqué l'émetteur et les quelque 5 000 disques que l'on avait », se souvient M. Pollet. La CGT se procure un autre émetteur qu'elle installe, avec l'accord de... Mgr Delaporte et du curé d'Auby, dans le clocher de l'église. Un mois après, il est réinstallé au-dessus du local.
Trop c'est trop. Les samedi 25 et dimanche 26 octobre 1980, plus de mille policiers (!) donnent l'assaut à cette radio irréductible. « On ne pouvait plus entrer dans la ville. Même les petits chemins étaient barrés », se souvient M. Valette. « Le dimanche, la ville était assiégée. L'électricité et l'eau avaient été coupées car les pompiers se servaient de leurs lances à incendie contre les CRS et les gardes mobiles », ajoute M. Pollet. Les heurts sont violents car la population sort et s'oppose aux forces de l'ordre. Des blessés doivent être transportés à l'hôpital. Une grue de 100 tonnes sert à démonter le mât antenne. Un mois plus tard, un autre a pris sa place... La proximité de l'élection présidentielle, où François Mitterrand porte les espoirs de l'Union de la gauche, pousse le pouvoir à lever le pied sur un dossier devenu sensible. La suite on la connaît. Radio Quinquin fut une radio libre avant l'heure." •
JEAN-LUC ROCHAT