Marie-Marguerite Machut Martine Vis
> Qui sont ces assistants ?
« Ce sont des personnes salariées par le conseil général pour accueillir au sein de leur famille des enfants qui sont confiés au service de l'aide à l'enfance, en grande majorité sur décision de justice. On est à peu près 320 dans l'Avesnois, pour approximativement 800 enfants, avec une moyenne de deux-trois enfants par famille. Les enfants sont âgés de zéro à 21 ans. Nous demandons qu'il y ait une cohérence au niveau des accueils, mais elle n'est pas toujours recherchée. Bien souvent, on confie un enfant là où il y a une place de libre, sans chercher plus. »
> Quel était le but de cette réunion ?
« Faire connaître les difficultés que rencontre cette profession. Personne ne veut rien entendre, rien savoir. Le seul moyen pour obliger l'administration à se pencher sur ces difficultés c'est d'interpeller les élus, de faire venir la presse. » > Depuis quand rencontrez-vous ces difficultés ?
« Cette profession n'a jamais été simple. Elle n'était pas reconnue, c'était un peu du bénévolat. Les difficultés qu'on rencontre aujourd'hui ont été créées par la création du service d'accompagnement familial. Il s'agissait d'accompagner, professionnaliser les assistantes. Mais ce service a surtout été là pour répondre à des problèmes de ressources humaines et pour créer un référent en terme de formation. Tout cela a été construit en allant, sans réflexion. En scindant l'accompagnement de l'assistante familiale et l'accompagnement de l'enfant, sans lien entre les deux, plus personne ne sait désormais qui fait quoi, l'assistante est encore plus isolée. Cette solution, au lieu de régler un problème, en a créé un autre et aggravé les problèmes existants !
» > C'est un problème local ou départemental ?
« C'est sur l'ensemble du département. L'administration dit que les problèmes sont locaux. On a d'abord organisé ce type de réunion à Cambrai, puis à Douai... C'est là où on fait des réunions, bizarrement ! Mais dans chaque endroit différent, on rencontre les mêmes problèmes. On verra quand on sera allé à Roubaix, à Dunkerque... On va faire tous les secteurs pour montrer que ce n'est pas nous qui créons les problèmes. »
> Qu'attendez-vous ?
« Nous demandons que le conseil général crée de nouveau des groupes de parole. Un service tiers, hors hiérarchie, qui permettrait à l'assistante familiale de s'exprimer sans censure, pour déballer, prendre du recul, rencontrer le service chargé de l'enfant, en aidant à formuler les choses. Et une formation plus tôt : la loi prévoit que l'assistante soit formée dans les trois ans mais, vu le nombre, elles le sont au bout de cinq ans. Il faut rattraper le retard. »
> La formation est-elle suffisante ?
« Non. Mais elle pourrait être compensée par le groupe de travail et de discussion. Les foyers ont des réunions régulières pour échanger. Les éducateurs tournent dans les foyers puis rentrent chez eux, les assistantes sont là 24 h/24, elles sont immergées, la vie privée et la vie professionnelle se conjuguent... Et elles n'ont aucun espace pour prendre du recul et interpeller le service. Tout, dans cette profession, est difficile, à cause d'une mauvaise organisation et d'un manque de considération de ces professionnels par l'administration. Et ce n'est pas difficile que pour l'assistante familiale, ça l'est pour l'enfant aussi... »
PAR VINCENT TRIPIANA
(lire l'article sur le site de la Voix du Nord)
Publié le 07/06/2012 à 03h03
"Il a eu du mal à s'en aller, Jean-Luc Pérat. Le conseiller général et candidat dissident PS aux législatives a tout pris d'un coup :
des années de dysfonctionnement, de mal-être, de détresse. La quinzaine d'assistantes maternelles présentes mardi après-midi dans les locaux de la CGT, à l'ancien collège Vauban à Maubeuge, ont tout déballé. Pour une fois qu'elles tenaient un élu, représentant de leur employeur, le conseil général, elles n'allaient le laisser partir si vite. Extraits
Une vie privée difficile.- « On n'a plus de vie privée. » « Ils ont appelé une assistante alors qu'elle était à l'enterrement de son frère, et qu'ils le savaient. Ils ont insisté pour qu'elle revienne travailler.» « Nous, on ne passe même pas par la médecine du travail. On a connu des assistantes en dépression, on ne sait même pas si on est encore apte. » « Même pour la prise des congés, c'est difficile.Une année, j'ai su le dernier jour que je pouvais partir, qu'on avait trouvé un placement pour les enfants dont je m'occupais. Je ne veux pas être une mauvaise mère parce que je suis assistante familiale ! » Des difficultés qui s'accroissent.- Les enfants et adolescents accueillis rencontrent des problèmes plus délicats qu'auparavant, disent en choeur les assistantes : « Carences éducatives graves, problèmes psychiatriques et problèmes sexuels. On n'est pas formées pour ça !
» Un sentiment d'abandon.- « Il n'est pas normal qu'on doive appeler un syndicat pour avoir des réponses !
» « Au conseil général, on a l'impression que plus personne ne connaît ses compétences, plus personne ne sait qui doit faire quoi. Même demander un soutien psychologique pour un enfant, c'est mission impossible. » « Quand ça ne va pas, on nous dit qu'on est "dans une impasse relationnelle". C'est toujours de notre faute ! Il vaut mieux se taire que de dire qu'on a un problème avec un enfant. » « Dans les formations qu'on suit, on ne parle pas de nos droits, seulement de nos devoirs.
» « Il n'y a que les parents qui comptent. Et nous ? Et les enfants ? On n'est pas des garde-meubles !
» « On est dans un système paradoxal qui rend fou : plus personne n'arrive à dire ce qu'on peut faire, plus personne pour nous écouter. » « Les enfants ne passent même pas chez un médecin avant d'arriver chez nous. J'en ai déjà accueilli un qui avait la gale ! » Et les conseillers généraux ?- « On a peut-être une part de faute en tant qu'élu », s'est hasardé Jean-Luc Pérat. En tant que conseiller général, il fait partie de l'assemblée qui décide des moyens à octroyer aux assistantes familiales.
Visiblement, leur profession - et surtout ses difficultés - reste encore méconnue de leurs « patrons »...
V. T.